Une coalition inédite d’associations de collectivités et d’ONG* s’est formée pour enjoindre l’État d’appliquer la loi AGEC. Cette loi votée en 2020 prévoyait l’application du principe « pollueur-payeur » aux fabricants de nombre de textiles sanitaires à usage unique (TSUU), dont les EPI et autres linges plats jetables.
Si les avantages écologiques et économiques du textile VS le jetable ont déjà été prouvés depuis longtemps dans le secteur par exemple de la restauration, l’usage historique de l’usage unique en milieu hospitalier ou médico-social a longtemps eu la préférence des professionnels de ces secteurs. Mais confrontée, comme tous, aux défis à relever face à l’ampleur des conséquences au niveau environnemental, la blanchisserie hospitalière reste moteur sur la valorisation du textile en lieu et place de l’usage unique et a déjà largement contribué à revoir la copie.
Le sujet revient toutefois sur le devant de la scène avec un recours déposé le 7 juillet devant le conseil d’État visant la pleine application des principes de la loi AGEC sur l’ensemble des gisements, et avec pour objectif que les financements obtenus servent à engager une véritable réduction des quantités mises sur le marché grâce à la promotion d’alternatives durables et réemployables.
Un gisement problématique
Ayant triplé depuis les années 90 [1], ce gisement de 2,4 millions de tonnes de déchets annuels, majoritairement incinéré ou enfoui, est devenu la dernière grande famille de déchets non valorisables encore présents dans nos poubelles, y compris celles des hôpitaux, parfois encore friands de produits jetables en non-tissés destinés au bloc opératoire, aux soins ambulatoires ou pour l’incontinence (draps, alèses, couvertures, couches, lingettes). Pourtant, dans la période post-crise Covid, une tendance s’était dégagée qui montrait que le lavable prenait le pas sur le jetable. Entre les années 1995 et 2000, l’usage unique avait en effet pris un énorme essor. Mais avec la pénurie due à la crise sanitaire, les prix s’étaient envolés et multipliés par 50 voire 70 par rapport au prix initial, incitant les blanchisseries à réfléchir et sourcer autrement. Un mal pour un bien, alors que le secteur hospitalier traquait de toute façon lui aussi les axes d’amélioration en matière d’impact environnemental.
Bref, avec la loi AGEC, le principe “pollueur payeur” visait à faire peser le coût de la gestion de ces déchets (tous segments confondus) sur leurs fabricants, et ainsi à récupérer à terme près de 800 millions d’euros [2] aujourd’hui à la charge des collectivités locales et de leurs contribuables.
Un recul du gouvernement
Attendu au 1er janvier 2024, le gouvernement a finalement reculé à la dernière minute refusé d’appliquer ce principe à l’ensemble du gisement. Toutefois, afin d’éviter le paiement de pénalités européennes, il a maintenu cette mesure sur les seules lingettes, soit 1% du gisement initial, conformément aux exigences du droit européen.
Ce principe devait permettre d’instaurer des critères pour améliorer l’écoconception de ces produits et promouvoir le recours à des alternatives réemployables, sans plastique ou autres perturbateurs endocriniens, davantage respectueuses de la santé des utilisateurs et de l’environnement. Il devait également contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux en matière d’économie circulaire en visant la réduction et la valorisation de ce gisement, notamment grâce à des campagnes de prévention et au déploiement de collecte séparée pour recyclage. Enfin, il devait soutenir l’innovation française et l’émergence de solutions locales alternatives au tout jetable.
7 associations de collectivités et ONG ont donc décidé d’aller devant le Conseil d’État pour demander à l’État de respecter la loi et de s’engager dans sa pleine application.

Avec ce recours, les associations souhaitent relancer la dynamique de travail autour de l’application de cette mesure afin :
- Que les industriels supportent la pollution de leurs déchets et leur gestion, le cas échéant à travers les collectivités
- Que l’éco-conception de ces produits intègre mieux les enjeux de santé, alors que la plupart de ces textiles sanitaires sont reconnus comme pouvant contenir des substances chimiques préoccupantes présentant des propriétés cancérigènes, mutagènes, ou reprotoxiques et un effet perturbateur endocrinien
- Que les éco-contributions puissent être pensées en intégrant la composante sociale des produits de première nécessité
- Que ces financements servent à engager une véritable réduction des quantités mises sur le marché grâce à la promotion d’alternatives durables et réemployables.
“AMORCE, qui s’est mobilisée pour inscrire cette filière dans la loi AGEC, dénonce une réduction drastique – 98% – de son périmètre. C’est un recul environnemental majeur et une opportunité ratée pour réduire et valoriser les déchets sanitaires, alors que des alternatives durables existent”. – Antoine Guillou, Vice-Président AMORCE délégué à la collecte et au tri à la source des déchets et à la propreté

*Réseau Réduire+ (anciennement Compostplus), Amis de la Terre France, AMORCE, Cercle National du Recyclage, France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe, Zero Waste France.
Quelques graphes pour mieux comprendre les enjeux :

